Le Tarot de Marseille : Un Voyage à Travers les Siècles
Enveloppé d’un voile de mystère séculaire, le Tarot de Marseille demeure bien plus qu’un simple jeu de cartes : c’est un monument culturel et spirituel qui a traversé les époques en captivant l’esprit des chercheurs, des artistes et des rêveurs. Mais quelles sont les origines obscures de cet art ancestral ? Comment a-t-il voyagé et évolué, passant d’un divertissement de cour à un outil puissant de divination et d’introspection ? Et qui sont les figures clés qui ont façonné sa légende, de l’Italie de la Renaissance à sa renaissance au XXe siècle ? Ce paragraphe se propose de retracer cette épopée fascinante, en explorant tour à tour l’énigme de son nom, ses racines historiques, sa révolution symbolique, son âge d’or marseillais, sa transformation ésotérique et sa place vibrante dans le monde moderne.
Étymologie et sens du mot « Tarot »
Le mot même de « Tarot » est une énigme, et ses racines linguistiques font l’objet de plusieurs théories, reflétant le mystère qui entoure l’objet lui-même. L’hypothèse italienne le fait dériver de « tarocchi », le terme désignant le jeu de cartes, bien que l’origine de ce mot reste elle-même incertaine. Certains chercheurs envisagent une piste arabe, le reliant à « طُرُق » (turuq), signifiant « voies » ou « chemins », ou à « تركة » (taraka), « laisser, abandonner », évoquant ainsi l’idée d’un héritage ou d’un parcours. Enfin, une hypothèse plus ancienne, aujourd’hui largement invalidée par les historiens, proposait un lien latin avec « Rota » (la roue) ou égyptien avec les « voies royales » (via royale) des pharaons. Ainsi, l’ambiguïté persistante autour de son nom semble être le parfait reflet de la nature insaisissable et profonde de ses origines.
Les prémices : l’apparition des jeux de cartes en Europe
Pour comprendre la genèse du Tarot, il faut remonter au XIVe siècle, lorsque les premiers jeux de cartes firent leur apparition en Europe. Probablement importés du monde islamique, notamment via les Mamelouks et les routes commerciales, ces jeux – appelés naïbis ou naïpes – se composaient alors des quatre enseignes (bâtons, coupes, épées et deniers) et de figures de cour. Leur fonction première était alors purement ludique, servant au divertissement et souvent aux paris d’argent, sans aucune connotation mystique ou divinatoire.
La création des Arcanes Majeurs : la révolution symbolique
La véritable innovation qui allait donner naissance au Tarot tel que nous le connaissons survint au début du XVe siècle dans les cours fastueuses du nord de l’Italie, à Milan ou Ferrare. C’est là que furent introduits les « triomphes » (trionfi), un ensemble de cartes spéciales qui permettaient de « triompher » des autres durant le jeu. Ces cartes, qui deviendront les Arcanes Majeurs, représentaient des figures allégoriques et archétypales – Le Bateleur, Le Pape, L’Empereur, La Force, etc. Leur ajout transforma radicalement le jeu de cartes ordinaire en un système symbolique complexe, un miroir de la structure hiérarchique et des valeurs philosophiques et religieuses de la société médiévale et renaissante.
Le siècle d’or des cartiers marseillais
Si l’innovation est italienne, le nom qui lui est resté attaché est français. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la ville de Marseille et la région Provence devinrent un centre d’impression et de production de cartes à jouer d’une importance capitale. Des maîtres cartiers talentueux comme Jean Noblet, Jean Dodal et, plus tard, Nicolas Conver, produisirent des jeux d’une qualité artisanale remarquable, estampillés « de Marseille ». Leurs jeux, caractérisés par une iconographie forte, une structure fixe (22 Arcanes Majeurs numérotés en chiffres romains et 56 Arcanes Mineurs au dessin non-scénarisé) et des couleurs vives, devinrent la référence. Ainsi, « Tarot de Marseille » désigne moins une origine géographique exclusive qu’un standard et un style iconographique qui s’est imposé comme canon.
De la table de jeu à la table de divination : la naissance de l’occultisme
La destinée du Tarot bascula à la fin du XVIIIe siècle lorsqu’il cessa d’être perçu comme un simple jeu. L’écrivain et franc-maçon Antoine Court de Gébelin fut l’un des premiers à avancer, dans son ouvrage « Le Monde primitif », que le Tarot était en réalité un livre secret contenant la sagesse perdue des anciens Égyptiens. Cette idée fut amplifiée au siècle suivant par les grandes figures de l’occultisme occidental. Éliphas Lévi y vit un système parfaitement lié à la Kabbale hébraïque, tandis que Papus (Gérard Encausse) en systématisa l’interprétation divinatoire. Le Tarot n’était plus un objet de divertissement, mais était devenu un grimoire codé, un « livre des secrets » destiné à déchiffrer les mystères de l’univers et de l’âme.
Paul Marteau et la renaissance du XXe siècle
Après une période de déclin, le Tarot de Marseille connaît une renaissance décisive au XXe siècle, portée par une figure clé : Paul Marteau. Héritier de la maison d’édition Grimaud, il entreprit en 1930 de rééditer le jeu emblématique du cartier Nicolas Conver datant de 1760. L’innovation géniale de Marteau fut d’accompagner ces cartes d’un livre fondateur, simplement intitulé « Le Tarot de Marseille », dans lequel il proposait pour la première fois une interprétation symbolique détaillée, carte par carte, mêlant tradition ésotérique et psychologie naissante. Cet acte éditorial fut fondamental ; il fixa le canon du Tarot de Marseille pour le grand public et le transforma en un outil accessible pour le développement personnel et la divination, lançant un engouement qui ne s’est jamais tari depuis.
Le Tarot de Marseille aujourd’hui : entre tradition artisanale et essor numérique
Aujourd’hui, le Tarot de Marseille jouit d’une vitalité exceptionnelle, naviguant avec aisance entre la tradition et la modernité. D’un côté, un renouveau artisanal voit des créateurs et de petits éditeurs perpétuer la noble tradition de l’impression à la planche de bois sur papier de qualité. De l’autre, il connaît un essor numérique sans précédent : il est au cœur d’une abondance de livres, de blogs, de formations en ligne, de communautés vibrantes sur les réseaux sociaux et d’applications dédiées. Perçu désormais moins comme un outil de prédiction fataliste que comme une aide à l’introspection, un langage pour dialoguer avec l’inconscient et une boussole pour s’orienter dans la complexité de la vie moderne, le Tarot de Marseille a su se réinventer tout en restant fidèle à son essence symbolique profonde.
Conclusion
De ses humbles débuts comme jeu de « triomphes » dans les cours italiennes à sa codification iconographique par les maîtres cartiers de Marseille, de sa transformation en clé hermétique par les occultistes du XIXe siècle à sa renaissance populaire orchestrée par Paul Marteau, le Tarot de Marseille a accompli un voyage remarquable. Plus qu’une simple curiosité historique, il s’impose comme un miroir intemporel de l’âme humaine et un patrimoine culturel vivant. Le véritable mystère du Tarot de Marseille ne réside peut-être plus dans le secret de ses origines, mais dans sa capacité unique, siècle après siècle, à nous questionner, nous guider et nous révéler les infinies nuances de notre propre chemin de vie.
Description
- Jeu de 78 cartes comprenant 22 majeures et 56 mineures.
- Livret explicatif.
- reconstitution exacte du premier jeu de Tarot




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